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Scoop ! Grâce à la loi HADOPI les téléchargements illégaux vont baisser !

Posté le jeudi 14 octobre 2010 par Jean François Nifenecker

La loi dite « Hadopi », du nom de la Haute Autorité mise en place pour en assurer l’application, a été adoptée par le Parlement français, comme chacun sait. Et elle est entrée récemment en vigueur. Au passage, on attend toujours de connaître les critères de la fameuse labellisation annoncée avant de voir apparaître les outils de contrôle promis, évidemment inexistants à ce jour.

Il ne fait cependant aucun doute que cette loi aura l’effet très bénéfique et « pédagogique » que ses promoteurs recherchent puisque sa conséquence prévisible est une baisse (importante ?) des téléchargements illégaux dans notre pays. Passons volontairement sur le mode d’évaluation du nombre de ces téléchargements (comment connaître ce qui est invisible ?), oublions les coûts qu’induira pour tous l’application de la loi, ne parlons même pas de ses inconvénients pour les utilisateurs de systèmes Libres, mais intéressons-nous aux contre-réactions et aux effets de bord indésirables que l’application de la loi ne manquera pas d’entraîner.

Gentils contre méchants

D’après les promoteurs de la loi Hadopi, il existe deux sortes d’internautes : des « gentils » qui-ne-téléchargent-pas-illégalement et des « méchants » qui-ne-font-rien-qu’à-embêter-les-artistes-en-les-spoliant-de-leurs-droits. La loi a pour objectif de faire sinon disparaître du moins fortement diminuer le nombre des seconds. Malheureusement, il est à craindre que ces derniers n’aient d’ores et déjà pris les « mesures adéquates » afin d’éviter les foudres de la loi.

Citons en vrac et de façon non exhaustive les plus banals moyens que sont la connexion à travers un ou des proxys, le chiffrement des communications ou les connexions par VPN. Nul doute que d’autres méthodes se feront rapidement jour, telles que de nouveaux protocoles de partage et d’échange. Le direct download commence d’ailleurs à se faire connaître. Toutes ces connexions étant chiffrées et opérant entre hôtes de confiance, bien entendu. En raison du chiffrement qu’ils utilisent, aucun de ces modes de connexion ne permet de déceler les téléchargement illégaux au sein du trafic réseau.

Et ce n’est pas la loi Hadopi qui va améliorer les choses. Bien au contraire ! Elle va pousser tous les utilisateurs « gentils » mais craignant pour leur vie privée à faire appel à ces mêmes contre-mesures. Qui saura avec certitude ce que fait le mouchard ...oups... l’outil de sécurisation labellisé-facultatif-obligatoire-payant ? Quel utilisateur de système libre, par définition non équipé du dit zinzin, osera prendre des risques ? Seuls resteront les gentils-naïfs-ignorants-non-techniciens (ex : mon papa, Monsieur Michu, âgé de 83 ans) que n’intéressent que la navigation ou la consultation de recettes de cuisine qui, eux, risqueront les foudres de la loi, faute de faire appel à des méthodes de protection personnelle.

Madame Albanel, alors ministre de la culture, l’avait clairement énoncé : « Les honnêtes gens n’ont rien à craindre de la Loi, les pirates oui »(voir ici). Tout laisse à penser que la fourche de Madame Albanel a langué et qu’il faut entendre exactement l’inverse : « Les honnêtes gens ont tout à craindre de la Loi, les pirates non ».

Conséquence qui justifie le titre de ce billet : les téléchargements illégaux passant inaperçus, leur nombre décroîtra. Et les successeurs de l’ex-ministre de la culture seront contents. Les ayants droit verront-ils pour autant la hausse promise des ventes de supports physiques ou des téléchargement légaux, et celle concomitante de leurs revenus ? Rien n’est moins sûr.

Chiffrez, chiffrez, il n’en restera rien

Last but not least dirait Guillaume Hochepoire : un effet de bord est en train de naître de ces lois répressives dont la seule pédagogie est celle de la protection maximale de leur vie privée par les internautes conscients. Il s’agit du chiffrement systématique des communications.

Jusqu’à maintenant, les messages chiffrés circulant sur le réseau ressortissent très majoritairement à deux catégories : les entreprises ou les services gouvernementaux désireux de protéger certains échanges légitimes contre des yeux indiscrets d’une part et les gangsters d’autre part. Il est donc actuellement « aisé » (toutes proportions gardées) à un service d’enquête judiciaire ou de contre-espionnage de conclure qu’un message chiffré échangé entre individus n’appartenant pas à la première catégorie est très probablement échangé entre membres de la seconde (il y a, bien sûr, des exceptions mais encore une fois, très à la marge). Désormais, lorsque la majorité des citoyens usera de moyens de chiffrement, il deviendra extrêmement difficile de distinguer le bon grain de l’ivraie, sans parler du déchiffrement proprement dit qui s’avère quasi-impossible. La conséquence est donc que des lois aux objectifs affichés de protection vont permettre aux gangsters de mieux se dissimuler, les effets étant donc l’exact opposé du but annoncé. À tel point que les services secrets s’en émeuvent déjà.

Ce qui confirme bien que, comme l’affirmait naguère Philippe Meyer : Nous vivons une époque moderne !

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