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Association Bordelaise des Utilisateurs de Logiciels libres
Brevets Logiciels
Dernier ajout : 24 mai 2006.
Jusqu’à présent, les logiciels sont protégés en Europe par le droit
d’auteur, au même titre que les autres oeuvres de l’esprit. Le
brevetage des logiciels (en fait, il faudrait traduire "software
patenting" par "brevetage des algorithmes", et non "des
logiciels") n’est actuellement autorisé que s’ils participent à un
processus physique (par exemple : contrôle d’un système ABS).,
mais ce dernier point fait d’ailleurs lui aussi l’objet d’une
controverse.
Cependant, sous la pression des États-Unis et des multinationales de
l’informatique et des communications, l’Office Européen des
Brevets et la Direction Générale
du Marché Intérieur de la Commission Européenne souhaitent étendre
le régime des brevets aux logiciels et algorithmes. Le danger de cette
évolution est que les brevets logiciels ne protègent pas les logiciels
eux-mêmes, mais permettent de s’approprier les concepts
sous-jacents, tels que les algorithmes (ce que le programme fait),
les formats de fichiers (comment les données sont archivées), les
protocoles de communication (comment les programmes
interagissent). Ceci qui fait peser une très forte menace sur
l’interopérabilité des systèmes, pouvant provoquer un retour en
arrière de trente ans. Il faut noter que l’infrastructure de
l’Internet est basée sur des logiciels libres, qui seraient les
premières victimes de tels brevets.
Afin de forcer la main à la Commission Européenne (dont il est
d’ailleurs totalement indépendant), l’OEB/EPO a déjà enregistré, en
contradiction avec la législation actuelle, plus de 30000 brevets
portant sur des logiciels, dont plus de 80% ont été déposés par des
entreprises extra-européennes (extensions de brevets USA
principalement). La plupart de ces brevets sont triviaux
pour des programmeurs normaux, ce qui fait que, selon des études
empiriques, un programmeur viole allègrement, sans le savoir,
plusieurs dizaines de tels brevets logiciels au cours de sa pratique
habituelle.
La révision par l’EPO de l’article 52 de la convention de Munich sur
la propriéte intellectuelle, pour supprimer les logiciels des entités
exclues du champ de la brevetabilité, a eu lieu du 20 au 29 novembre
2000. L’EPO a voté contre la brevetabilité du logiciel, alors que
c’est eux qui l’ont demandée. Ce revirement est purement tactique :
l’EPO attendait en fait le résultat d’une consultation par Internet
lancée par la Direction Générale du Marché Interieur (pro-brevets
logiciels), qui s’est terminée le 15 décembre 2000, et dont le
dépouillement a été opaque et inexplicablement long. L’idée de l’EPO
était de favoriser par ce biais une directive européenne de brevet
européen, qui autoriserait le brevetage des algorithmes et logiciels,
et qui laverait alors l’EPO de toute suspicion (c’est pas nous, c’est
la Commission !). L’EPO est cependant fâchée de n’avoir pas pu
faire passer la brevetabilité logicielle en douceur, comme le montre
la résolution
finale de la conférence de Munich du 29 novembre 2000.
Effectivement, la Direction Générale du Marché Interieur a lancé à la
fin de l’année 2000 une consultation
par Internet sur le brevetage des logiciels, à laquelle tout
citoyen européen ou non pouvait apporter sa contribution.
Malheureusement, suite à un manque de publicité bien regrettable, les
PME, majoritaires dans le secteur du logiciel, n’ont pas été informées
de la tenue de cette consultation ni de ses enjeux pour elles. Comme
cette consultation était « opaque », c’est-à-dire que les
différentes contributions n’étaient pas publiées sur Internet, l’Alliance Eurolinux avait créé un
site miroir, sur lequel
on pouvait envoyer ses contributions.
Le 20 février 2002, la Direction Générale du Marché Intérieur a
divulgué sa proposition de directive européenne sur le brevetage des
logiciels. Cette directive, qui légalise à postériori toutes les
pratiques illégales de l’Office Européen des Brevets en la matière, va
encore plus loin, en permettant de breveter tout processus pouvant
être mis en oeuvre sur ordinateur, ce seul point suffisant à rendre le
processus un « effet technique », condition indispensable
(mais ô combien contournable, on le voit !) à la brevetabilité.
Surprise : en analysant le fichier Word d’une version préliminaire
de cette directive, des membres d’EuroLinux ont mis en évidence une
collusion
entre certains membres de la Commission Européenne et des intérêts
industriels extra-européens, car ils se sont rendus compte qu’elle
avait été écrite par Francisco MINGORANCE, qui travaille pour le lobby
Business Software Alliance, dominé par Microsoft !
Le rôle de l’alliance europénne Eurolinux, qui est
soutenue par
la communauté du logiciel libre ainsi que par de nombreuses PME du
logiciel, premières victimes d’une brevetabilité qui ne profitera
qu’aux grands groupes, est de s’opposer à la brevetabilité du logiciel
sur le terrain politique et médiatique, en démontrant la nocivité des
brevets logiciels pour l’économie globale et l’innovation.