Association Bordelaise des Utilisateurs de Logiciels libres
Pedigree
Qui suis-je ?
Si seulement je pouvais répondre à une interrogation aussi essentielle, il ne serait plus nécessaire que je me torturasse les méninges à propos de l ’absurdité de l’existence. Non, tout au plus puis-je, à grands traits malhabiles, brosser de moi-même un portrait forcément inachevé.
J’ai ouvert l’oeil au profond de la forêt landaise. C’était il y a longtemps, en une époque où l’enfance pouvait courir les bois sans crainte du pédophile ou de la seringue jetée. J’ai contracté là le goût de la liberté, sans m’en apercevoir, tout naturellement. Il a fallu cinq années de pensionnat suivies d’un service militaire brutal pour que je me rendisse compte à quel point être fils de bûcheron vivant à l’orée de la pinède était une chance insigne.
Je ne l’oublierai pas.
Cependant vint le moment de gagner ma pitance. J’entrai dans un bureau d’études de mécanique, à Tarbes. Après sept années passées enchaîné à une table à dessin, je compris sans qu’il soit besoin d’insister davantage que m’obstiner dans cette voie serait pour le moins déraisonnable. Je louchai alors vers l’Education Nationale et ses fabuleuses vacances scolaires. Quinze mois par an, au bas mot, non ? En tout cas, ce fut ma motivation, je l’avoue sans honte et sans qu’il soit nécessaire de me soumettre à la question.
A l’Ecole Normale de Toulouse, je rencontrais d’autres personnes, d’autres objectifs, des possibles inenvisagés jusqu’alors. Sans doute est-ce ici que subrepticement on m’inocula un étrange virus auquel je réagis de façon insensée : je pris soudain goût à expliquer les choses, à transmettre ce que je savais, à expliciter dix, cents fois ce qui, pour moi, était des évidences. Et les vacances alors ? Oh mais, heureusement qu’il y en a : on ne les vole pas, croyez-m’en. Cultiver les esprits très souvent rebelles, ou trop occupés par ces putasseries que sont le football et le rap, ce n’est pas de tout repos.
Plus tard, bien plus tard, en 1997, je rencontrais Linux, et toutes les valeurs que véhicule le Libre. J’avais encore beaucoup à apprendre, tant sur le plan technique que sur le plan éthique. Mais le terrain était préparé de longue date par la pinède et l’Ecole Normale. J’adhérai à l’ABUL. Il s’y trouvait, et il s’y trouve encore, plein de gens du même bizarre acabit que moi : prêts à apprendre ce qu’ils ne savaient pas et à transmettre ce qu’ils savaient.
Depuis l’époque des doigts tachés d’encre violette, le dessin, la peinture, l’histoire des civilisations, la littérature me passionnaient. C’est donc tout naturellement que je fixai mon attention sur les outils graphiques de Linux, plutôt que sur la programmation ou l’administration système. Et quand j’eus appris, je voulus dire ce que je savais.
Premiers articles dans Logiciels PC, Linux Focus puis dans Linux Magazine, plus tard dans Linux Pratique. Avec pour premiers effets, la rencontre virtuelle avec Frédéreic Toussaint et Yves Ceccone. Et c’est alors la création, en 1999 de Linuxgraphic, avec pour objectif : servir la liberté en donnant à chacun les moyens de l’acquérir, dans le domaine qui est le nôtre, celui de l’infographie.
Je n’oublie pas ce que j’ai reçu en naissant dans les bois et en usant mon froc sur les bancs de l’Ecole Normale.
Je n’oublie pas combien il est bon et légitime d’être autonome, indépendant, libre. Je n’oublie pas non plus combien il est joyeux de transmettre ce que l’on sait et de voir que l’effort a été utile à ceux qui ont librement choisi de s’instruire. Il s’agit, pour Linuxgraphic, de bénévolat, je n’ose pas écrire apostolat, ce serait d’ailleurs excessif, vraiment. Tout ce mouvement est animé par l’éthique du libre, c’est-à-dire la beauté du geste, que l’on pense supérieure à la simple rémunération de services. Et allons : du panache, les gars ! Soyons gascons, aussi loin que possible du trivial et du pécuniaire aux satisfactions illusoires !
Sur le plan personnel, il n’y a pas grand chose à dire. Marié, père de deux filles qui n’ont plus besoin de biberon depuis longtemps, je vis dans le Médoc. Sans téléphone portable que j’exécre, sans scooter et autres motocyclettes que j’abhorre, mais avec une chatte isabelle qui fait partie de la famille et encore, malgré tout, des illusions sur l’espèce humaine. Et sa capacité à aimer.
André Pascual, Novembre 2003