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Pedigree

Posté le vendredi 31 octobre 2003 par André Pascual

Qui suis-je ?

Si seulement je pouvais répondre à une interrogation aussi essentielle, il ne serait plus nécessaire que je me torturasse les méninges à propos de l ’absurdité de l’existence. Non, tout au plus puis-je, à grands traits malhabiles, brosser de moi-même un portrait forcément inachevé.

J’ai ouvert l’oeil au profond de la forêt landaise. C’était il y a longtemps, en une époque où l’enfance pouvait courir les bois sans crainte du pédophile ou de la seringue jetée. J’ai contracté là le goût de la liberté, sans m’en apercevoir, tout naturellement. Il a fallu cinq années de pensionnat suivies d’un service militaire brutal pour que je me rendisse compte à quel point être fils de bûcheron vivant à l’orée de la pinède était une chance insigne.

Je ne l’oublierai pas.

Cependant vint le moment de gagner ma pitance. J’entrai dans un bureau d’études de mécanique, à Tarbes. Après sept années passées enchaîné à une table à dessin, je compris sans qu’il soit besoin d’insister davantage que m’obstiner dans cette voie serait pour le moins déraisonnable. Je louchai alors vers l’Education Nationale et ses fabuleuses vacances scolaires. Quinze mois par an, au bas mot, non ? En tout cas, ce fut ma motivation, je l’avoue sans honte et sans qu’il soit nécessaire de me soumettre à la question.

A l’Ecole Normale de Toulouse, je rencontrais d’autres personnes, d’autres objectifs, des possibles inenvisagés jusqu’alors. Sans doute est-ce ici que subrepticement on m’inocula un étrange virus auquel je réagis de façon insensée : je pris soudain goût à expliquer les choses, à transmettre ce que je savais, à expliciter dix, cents fois ce qui, pour moi, était des évidences. Et les vacances alors ? Oh mais, heureusement qu’il y en a : on ne les vole pas, croyez-m’en. Cultiver les esprits très souvent rebelles, ou trop occupés par ces putasseries que sont le football et le rap, ce n’est pas de tout repos.

Plus tard, bien plus tard, en 1997, je rencontrais Linux, et toutes les valeurs que véhicule le Libre. J’avais encore beaucoup à apprendre, tant sur le plan technique que sur le plan éthique. Mais le terrain était préparé de longue date par la pinède et l’Ecole Normale. J’adhérai à l’ABUL. Il s’y trouvait, et il s’y trouve encore, plein de gens du même bizarre acabit que moi : prêts à apprendre ce qu’ils ne savaient pas et à transmettre ce qu’ils savaient.

Depuis l’époque des doigts tachés d’encre violette, le dessin, la peinture, l’histoire des civilisations, la littérature me passionnaient. C’est donc tout naturellement que je fixai mon attention sur les outils graphiques de Linux, plutôt que sur la programmation ou l’administration système. Et quand j’eus appris, je voulus dire ce que je savais.

Premiers articles dans Logiciels PC, Linux Focus puis dans Linux Magazine, plus tard dans Linux Pratique. Avec pour premiers effets, la rencontre virtuelle avec Frédéreic Toussaint et Yves Ceccone. Et c’est alors la création, en 1999 de Linuxgraphic, avec pour objectif : servir la liberté en donnant à chacun les moyens de l’acquérir, dans le domaine qui est le nôtre, celui de l’infographie.

Je n’oublie pas ce que j’ai reçu en naissant dans les bois et en usant mon froc sur les bancs de l’Ecole Normale.

Je n’oublie pas combien il est bon et légitime d’être autonome, indépendant, libre. Je n’oublie pas non plus combien il est joyeux de transmettre ce que l’on sait et de voir que l’effort a été utile à ceux qui ont librement choisi de s’instruire. Il s’agit, pour Linuxgraphic, de bénévolat, je n’ose pas écrire apostolat, ce serait d’ailleurs excessif, vraiment. Tout ce mouvement est animé par l’éthique du libre, c’est-à-dire la beauté du geste, que l’on pense supérieure à la simple rémunération de services. Et allons : du panache, les gars ! Soyons gascons, aussi loin que possible du trivial et du pécuniaire aux satisfactions illusoires !

Sur le plan personnel, il n’y a pas grand chose à dire. Marié, père de deux filles qui n’ont plus besoin de biberon depuis longtemps, je vis dans le Médoc. Sans téléphone portable que j’exécre, sans scooter et autres motocyclettes que j’abhorre, mais avec une chatte isabelle qui fait partie de la famille et encore, malgré tout, des illusions sur l’espèce humaine. Et sa capacité à aimer.

Sarah et moi
Pour ceux qui ne connaitraient pas ma trombine.

André Pascual, Novembre 2003

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10 commentaire(s)
  • Posté le 3 janvier 2004 à 10:17, par G.Martin (Brignoles) (lien)

    André,
    Cela fait du bien d’apprendre que dans l’Education nationale, il existe des gens comme toi !
    G.M.

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  • Posté le 3 janvier 2004 à 20:30, par SANNIER Jean-Baptiste (lien)

    Un pedigrée aussi bien stylé dans la rédaction, je voudrais bien en lire davantage par jour. De bonnes nuances, on n’hésite pas à donner son avis sur plusieurs points, tout votre pédigrée est une tonne d’humour. Bien rédigé !

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    • Posté le 8 janvier 2004 à 08:08, par André (lien)

      Boffff : c’est juste un peu de légèreté dans un monde de cuistre, rien d’autre...

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  • Posté le 6 janvier 2004 à 13:41, par WôôW (lien)

    J’ai adoré lire ces quelques lignes, ces idées particulières, ces avis net et cet esprit d’ouverture a autrui.
    Félicitation

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    • Posté le 8 janvier 2004 à 08:15, par André (lien)

      De grâce, n’en jetez plus : la confusion escaladant mes joues me donne un teint pivoine qui ne me sied guère...

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  • Posté le 13 février 2004 à 23:14, par sweepy (lien)

    et moi non ?? et maman ? pas de photos ? tant pis je retourne avec mes rats...

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  • Posté le 21 mars 2004 à 21:58, par ania.lesca (lien)

    témoignage

    un jour (lointain) où je servis de chauffeur à un linuxien embarqué par Armelle, ma curiosité me fit pousser la porte d’un atelier gimp moi, qui ne connaissais de l’info que la dactylo et encore avec 2 fois deux doigts,

    patience et ignorance pendant une heure sans faillir firent bon ménage, pas besoin de préciser qui est qui

    si tu savais andré le nombre de calandrons testuts qui s’adonnent à l’alcool gimp dans modération dès le CP grâce à cette heure-là...

    ania.lesca, regenta à la calandreta de La Teste, toujours aussi ignare en linux graphisme mais dont les élèves apprennent et s’entraînent à la vitesse grand V

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  • Posté le 27 mars 2004 à 11:45, par Gab (lien)

    Une petite reaction quant a la "...putasserie qu’est le football..."... Andre, j’aprecie tout ce que tu fais, mais je t’avoue que pour un professionnel de l’education comme toi, entendre ça me laisse perplexe.
    President d’une ecole de foot a mon temps perdu (bien que je ne sois pas passionné de foot, je le fait pour mon fils), je t’assure que j’y éprouve une certaine fierte a ne pas voir ces enfants trainer dans les rues et s’interresser a autre chose qu’a une console de jeu... Ce qui m’attriste d’autant plus, c’est que je connais (un petit peu) ton engagement et je prefere croire que tu a ecris ces lignes dans un moment de colere passager !
    Sinon, pour tout ce que tu entreprends, rien a redire, que du bonheur... tu prends le temps de faire ce qu’aucun n’a envisagé et tu restes un des piliers de l’image du libre dans les metiers de la chaine graphique. Les LL souffrent enormement d’un deficit d’image et mériteraient que des gens de ton calibre s’y penche d’avantage.
    Merci pour tout.

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    • Posté le 28 mars 2004 à 10:20 (lien)

      Certes, l’expression est rude.

      C’est volontaire.

      C’est même provocateur.

      Toutefois, il faut l’entendre dans le contexte. Il est question ici d’élèves soumis aux appels de l’argent facile, perçu (décidément, je ne peux écrire : gagné, car cela suppose de l’effort et du mérite) en abondance par des tâcherons du ballon, et des braillards incultes, qui font accroire à bien des écervelés dont j’ai la charge que leur fainéantise ne saurait être un obstacle à leur réussite future. Il n’y a qu’à voir sur un terrain tous ces ignares en culotte courte se disputer une vessie qu’ils leur font prendre pour des lanternes magiques, ou encore ces hypocrites repus psalmodier sur scène, avec des mots qu’ils ne comprennent pas, des invectives contre une société qu’ils n’échangeraient pour rien au monde tant ils y sont choyés !
      C’est en ce sens que je parle de "putasseries", et que je réitère d’ailleurs.
      Parce qu’à l’instar des péripatéticiennes (des p... quoi !) qui prétendent offrir un moment d’amour, alors qu’elles ne vendent qu’une furtive étreinte, dangereuse de surcroît, et dépourvue de sentiments, les idoles surévaluées, ô combien, du foot et du rap font miroiter l’opulence obtenue par la seule satisfaction de son bon plaisir : courir après un ballon ou déverser sa hargne dans un micro. Le reste ne servant de rien puisque la quasi totalité des besogneux, honnêtes, persévérants, humbles, discrets, affables... vivent chichement du fruit de leur travail, quand ils ont la chance, leur dit-on, d’en avoir un, ou des subsides de l’état quand ils se complaisent au chomedu, tente-t’on de les culpabiliser.

      Alors, à quoi sert-il de travailler à l’école ? Hein ? Je demande. Les fotballeurs de l’équipe trucmuche, ils ont travaillé à l’école, eux ? En tout cas, à la façon dont ils répondent aux interview, on n’a pas l’impression qu’ils y ont toujours répondu présents, lors de l’appel du matin. Ou alors, ils jouent les modestes, ils se mettent à la hauteur des supporters qui, à en croire le regretté Coluche, sont encore plus sots que les sportifs.
      Mais alors, modestes, pourquoi courent-ils se faire admirer des foules béates lorsque par le plus grand des hasards l’un d’eux vient à mettre un ballon dans la cage ou une espèce de quadrumane s’excite à longeur de temps dans l’espoir qu’on lui lance une poignée de cacahuètes ? Ne sont-ils pas payés, et de façon obscène dans la conjoncture actuelle, pour faire ce qu’ils font si rarement ? Est-ce que le boulanger, qui fait pourtant oeuvre bien plus utile, se rend sur la place publique en quête d’applaudissements à chaque fois qu’il a cuit son pain, c’est-à-dire tous les jours ? Est-ce que le balayeur de nuit réclame qu’on lui tricote des louanges à chaque fois qu’il a nettoyé ce que des saligauds de supporters laissent traîner partout sans aucun égard pour personne ? Est-ce que je donne du tambour et de la trompette sur le parvis de la cathédrale à chaque fois que je termine un cours de technologie ?
      Non : nous faisons ce pour quoi nous sommes payés. C’est tout. Il devrait en être de également ainsi pour les footballeurs et les rappeurs, même s’ils sont indécemment payés. Inutile de les affubler d’une gloire imméritée.

      Faire croire le contraire, prétendre que c’est dans la logique des choses, affirmer qu’ils sont beaux, grands, géniaux parce que riches, et que c’est justice qu’il en soit ainsi, c’est avoir un comportement de prostituée : c’est s’attacher une clientèle de dupes. Et encore, comparer le tapin au football et au rap, je me demande si ce n’est pas infâmant pour le tapin et les galériennes du bitume.

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      • Posté le 28 juillet 2004 à 11:56, par EricHennequin (lien)

        Et donc nous devrions laisser à nos jeunes le droit d’aller faire du foot ou du rap, pour que justement ils se rendent compte que la compétition pour obtenir la gloire, c’est dur. Droit qu’ils ont. Ils se rendent compte qu’ils ne peuvent séduire leurs petits camarades par la chanson ou par l"adresse footbalistique, et se mettent aux math, à la physique, ou à l’informatique, comme je l’ai fait en mon temps, avant de me rabattre ultimement sur l’industrie (la honte !).

        Elle est bien faite, la vie, dans la diversité.

        Mais ne serait-ce plutôt une véritable haine de la musique et du sport qui t’aurait été inculquée par ce "service militaire brutal" qui te fais insister sur ces "putasses" de footeux et de rapeux ? Et une jalousie de l’attention qu’ils arrivent à obtenir à ta place, leur compétition pour l’esprit de tes élèves ?

        Que dis-je, ne serait-ce pas même la bonne vieille et ancienne attitude de l’autorité religieuse face au peuple, qui veut que le peuple ne regarde que dans sa direction en écrasant les petites choses que les gens peuvent arriver à construire entre eux ?

        Le Microsoft populaire survivra ! ;-)

        "Je vous hais, pédagogues, marchands de... vous qui enseignez tout et qui ignorez tout" (dixit Victor Hugo.)

        Pour ma part j’en ai assez de ces putasses (pour reprendre ton vocabulaire) de pédagogues irréalistes qui racolent pour leur petite chapelle et qui essayent de faire croire qu’on peut tous vivre dans l’education nationale et dans le logiciel libre, tandis que les salopards qui vendent du logiciel propriétaire et protègent leurs travaux sont des anti-sociaux qui n’ont aucune vision globale ;-)

        Amicalement.

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